Le 1er juin 2023, la proposition de loi sur les influenceurs a été adoptée par le Parlement français. Une loi visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Cela faisait déjà plusieurs mois que Bercy travaillait de concert avec des agences et des professionnels de l’influence afin de donner un cadre juridique à ce vaste écosystème.
Nouvelles pratiques à adopter, nouveau cadre juridique à respecter, nouveaux process de collaboration à adopter… Lors de notre dernier Agora Summit organisé le 22 juin 2023, nous avons passé en revue l’ensemble des nouvelles problématiques qui s’imposent au monde du marketing d’influence lors d’un live avec deux experts en la matière.
Clotilde Biron, avocate associée chez Ally Avocats. Un cabinet spécialisé dans les droits de l’immatériel, au sens large du terme, qui accompagne ses clients dans la création, l’innovation et le numérique. Clotilde est notamment spécialisée dans les domaines du droit commercial, des réseaux sociaux, de la propriété intellectuelle et sur les questions de gestion de données et du RGPD.
Quentin Bordage, fondateur et CEO de Kolsquare. Une plateforme d’influence marketing qui aide les annonceurs et les agences à identifier les meilleurs leaders d’opinion tout en mesurant le ROI de chaque activation avec précision. Quentin a fait notamment partie de ces professionnels du monde de l’influence qui ont travaillé sur la proposition de loi de Bruno Lemaire.
La genèse et le contexte de la loi sur les influenceurs
- Produits cosmétiques de mauvaise qualité vendus en dropshipping
- arnaques au CPF (Compte Personnel de Formation)
- publicité pour des jeux d’argents ou de trading…
Suite à de nombreux scandales dans le secteur de l’influence, principalement liés à des personnalités issues de la télé-réalité, l’opinion publique a de nombreuses fois exprimé sa colère sur les réseaux sociaux.
Ce mécontentement a atteint son paroxysme lorsque l’été dernier le rappeur Booba a commencé à prendre régulièrement en grippe des influenceurs en utilisant sur le réseau social X (anciennement Twitter) le hashtag #influvoleurs.
Dès lors, Bruno Le Maire a pris la parole dans les médias pour dire qu’il considérait ce sujet comme sérieux et qu’il était tant de légiférer à ce sujet. De plus en plus considérable, le marché du marketing d’influence a généré un chiffre d’affaires mondial en 2022 de plus de 15 milliards d’euros. Une manne financière qui attise bien évidemment les convoitises, mais aussi l’avidité d’une poignée d’influenceurs malveillants.
Fin 2022, le Ministre de l’Économie a donc décidé d’organiser des tables rondes afin de donner le plus rapidement possible un cadre légal à ces pratiques.
Les principaux aspects de loi influenceurs à connaître pour une agence
Cette loi ne vient pas à proprement parler combler un vide. En effet, de nombreuses réglementations encadrent déjà la publicité et le marketing digital. Ce texte adopté vient clarifier des flous et des angles morts juridiques.
Concrètement, elle ne va pas apporter de bouleversements majeurs aux pratiques actuelles des agences et des influenceurs ayant toujours été professionnels et intègres.
Cette loi vise surtout à apporter de la précision sur certaines pratiques. Par exemple :
- Une marque ou une agence doit obligatoirement rédiger un contrat pour expliciter la prestation demandée à l’influenceur.
- Les mentions « publicité » ou « collaboration commerciale », « images retouchées » ou « images virtuelles » doivent être visibles explicitement sur le contenu.
- Si le contenu est lié à la formation professionnelle, aux jeux d’argent et de hasard, des mentions légales doivent clairement apparaître.
- Enfin, si des produits sont vendus par dropshipping, l’influenceur doit obligatoirement indiquer l’identité de son fournisseur.
La transparence, le nouveau mètre étalon du marketing d’influence
Le principal atout de cette loi est donc d’apporter plus de transparence. C’est aujourd’hui un élément essentiel dans les activités des influenceurs et des créateurs de contenus.
En tant que professionnels, ces derniers doivent bien évidemment respecter tout d’abord les principes du code de la consommation. À savoir, faire preuve de loyauté auprès de son audience en indiquant la véritable intention commerciale d’un contenu.
Cette nécessité de transparence est également l’affaire des annonceurs et des agences. En effet, la relation de confiance entre un leader d’opinion et sa communauté est primordiale. D’ailleurs, la croyance selon laquelle le reach d’un post avec un hashtag #sponsorisé serait plus faible ne se vérifie pas, selon les experts en marketing d’influence. C’est un mythe, alors autant respecter la loi.
Comment les agences peuvent-elles établir des relations de confiance avec les influenceurs ?
Comme pour toute collaboration commerciale, le plus important est d’anticiper dans les relations contractuelles tous les détails et les points d’accroche qui pourraient avoir lieu. De plus, il faut ajouter dans ce contrat le brief détaillé qui servira de base à la collaboration. Qu’est-ce qu’une agence attend concrètement de l’influenceur ? Existe-t-il des moyens de vérification du travail effectué ? Pour rédiger au mieux ces documents, il est conseillé de se faire accompagner par un avocat ou une structure juridique.
Au-delà de cet aspect contractuel, les agences doivent mieux en amont identifier et sélectionner les influenceurs. Par exemple, prioriser ceux qui possèdent le Certificat de l’influence responsable de l’ARPP peut être une bonne idée.
Créée en septembre 2021, cette formation d’e-learning atteste que le leader d’opinion a été sensibilisé au cadre légal et déontologique du marketing d’influence.
Un non-respect des lois sera évidemment préjudiciable pour les agences et les influenceurs. Avec d’une part, des conséquences juridiques comme des sanctions et des amendes de la DGCCRF. Et d’autre part, des conséquences commerciales, avec la décrédibilisation de l’image de ces professionnels.
Favoriser une approche de sélection data-driven
Pour naviguer au mieux dans le paysage versatile des influenceurs, il est conseillé aux agences d’avoir une approche du marketing d’influence data-driven. Pour cela, on peut utiliser des outils de veille capables d’aller plus loin que certains KPIs basiques comme le nombre d’abonnées ou le taux d’engagement.
Grâce à des outils comme Kolsquare, les agences peuvent par exemple avoir accès à de nombreuses autres informations. Leur mission sera alors de consolider cette data et de la mettre en perspective en fonction de leurs besoins.
Pour un client “A” l’influenceur idéal ne sera pas le même que pour un client “B”. En effet de nombreux critères entrent en ligne comme la cible démographique, le taux de délivrabilité, le territoire de marque ou encore le réseau social utilisé. À ce propos, pour être le plus efficace possible, il est primordial pour une agence de diversifier au maximum les réseaux sociaux et les formats de contenus.
Une autre étape importante à ne pas négliger est celle du tracking. Bien mesurer les performances d’une campagne permettra de glaner de précieuses informations pour les prochaines collaborations. Ici aussi, il ne faut pas se limiter à des indicateurs basiques comme le reach ou le nombre d’impressions. Les fonctions collaboratives d’Agorapulse peuvent ainsi permettre de consulter les résultats d’une campagne en toute transparence.
En utilisant des plateformes spécialisées, il devient possible d’aller plus loin en calculant par exemple l’Earned Media Value (EMV). Bien qu’il soit considéré comme incontournable par de nombreux professionnels du marketing, ce KPI est difficile à aborder et à calculer.
Comment être en conformité avec les lois sur les influenceurs dans le cadre d’une campagne mondiale ?
Actuellement, il est complexe de définir précisément ce qu’un est un influenceur français. Nationalité, situation géographique, audiences réparties dans plusieurs pays… Sur quelles données doit-on s’appuyer pour le décider ?
Dans l’attente d’une loi européenne à ce sujet, qui risque de mettre quelques années avant de voir le jour, il faut se référer aux mentions du contrat international qui définit par avance le choix du tribunal en cas de litige.
Dans tous les cas, grâce à cette nouvelle loi sur les influenceurs, c’est la loi française qui est applicable dès lors que le consommateur français est la cible de l’action de communication en ligne.
La loi sur les influenceurs n’est pas une limite à la créativité des campagnes
Il ne faut surtout pas voir cette loi sous un prisme restrictif. Ce sont les contenus qui doivent faire l’objet de mentions légales et obligatoires, la créativité des activations ne s’en trouve pas pour autant bridée.
C’est une sorte de loi Evin dans le domaine des influenceurs, ni plus, ni moins. Elle veille à encadrer une pratique afin de protéger les consommateurs et les professionnels du secteur de l’influence.
À ce propos dans la loi, un article est consacré à la sensibilisation du public. Les agences, les annonceurs, les pouvoirs publics, les influenceurs, les parents… Informer des règles, des risques et des dangers est l’affaire de tous.
Cette responsabilité partagée est essentielle, car le marketing d’influence englobe des sujets sociétaux plus larges comme la surconsommation, l’impact environnemental, ou la santé.
En résumé : transparence, sensibilisation, contractualisation et data
Cette nouvelle loi a pour but de créer un cercle vertueux pour tous les acteurs de l’influence. Le processus de contractualisation permet de valider et d’encadrer chaque partenariat. Cela amène donc plus de transparence pour le consommateur et plus de sécurité pour les agences.
De plus, ces dernières ne doivent pas hésiter à utiliser des plateformes de data spécialisée afin de mieux sélectionner les influenceurs et de mieux mesurer l’impact de chaque campagne.
Clotilde Biron et Quentin Bordage sont disponibles sur LinkedIn.
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